UN SIECLE EN MAIN 
Autour de la table blanche, dans un salon blanc aux rideaux blancs, Albert Kriemler n’est pas de ceux qui parlent volontiers d’eux. Sa réserve est à l’image de ses vêtements, faits pour durer, sans excès, sans grand écart. « J’ai des yeux dans les mains », aime à dire celui dont l’entreprise familiale fête ses 100 ans, anniversaire célébré par ce grand collectionneur d’art contemporain à Paris, après deux ans d’absence, au Musée d’Art Moderne, sous la lumière inspirante d’un arc en ciel d’Ugo Rondinone. « Si notre clacissisme n’était pas moderne. Nous ne serions pas là » assure ce prince des « Investments pièces », dont l’entreprise est un peu au prêt à porter ce que Patek est aux garde-temps.  Une parka d’agneau est plus douce qu’un gant, un manteau de cachemire semble flotter dans l’espace, tout en se tenant. La main, c’est sans doute le trait d’union entre « le passé, le présent, le futur », tant la dimension tactile est présente dans les collections maisons, et plus encore, dans celle du printemps été 2023. Ainsi l’Alpha, le premier manteau en cachemire double face créé par Max Kriemler, (le père d’Albert), fait partie, avec notamment les pièces en dentelle, les cœurs imprimés, des neuf pièces d’archives qui non seulement défilé le 1er octobre à Paris, mais ont été photographiées par Iwan Baan dans l’immeuble iconique de l’Université de St Gallen, chef d’œuvre brutaliste de Water M. Forderer (1963). (1) Albert Kriemler n’empoigne pas un tissu, il entre en conversation silencieuse avec lui. A un tisseur, il n’hésite pas de redemander une mise au point supplémentaire, pour sentir davantage de torsion dans les fils. Une histoire de mouvement en somme, d’émotion imperceptible et remarquable. « Le plus beau travail couture peut devenir poussiéreux. Je déteste les rétrospectives. L’important pour nous n’est pas d’être dans la mode, mais dans la fenêtre du moment ». Le point de départ c’est toujours le croquis, mais qui resterait « théorique », sans le tissu qui lui est associé. « Car l’important, c’est d’être juste ». La morale de l’Histoire : « Surprendre, tout en tenant sa main ». 
*A cette occasion, un livre vient d’être publié A century in Fashion, chez Lars Muller Publishers. 

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